(Actualisé tout du long) par Can Sezer, Ali Kucukgocmen et Huseyin Hayatsever ANKARA, 28 mai (Reuters) - Le président Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir depuis deux décennies, a été réélu dimanche à la tête de la Turquie, un pays polarisé par des politiques de plus en plus autoritaires et qui a renforcé sa position en tant que puissance militaire régionale. Les résultats témoignent d'une société profondément divisée alors que le président sortant a remporté 52,1% des suffrages tandis que le candidat de l'opposition, Kemal Kiliçdaroglu, a obtenu 47,9% des voix. Recep Tayyip Erdogan avait revendiqué plus tôt dans la soirée sa victoire lors d'un discours devant ses partisans. "La nation nous a confié la responsabilité de gouverner le pays pour les cinq prochaines années", a déclaré Recep Tayyip Erdogan, qui a remercié ses partisans depuis le haut d'un bus à Istanbul. Kemal Kiliçdaroglu, qui estime que cette élection est la "plus injuste depuis des années", n'a pas contesté les résultats. Il s'est dit attristé par "les difficultés" qui attendent la Turquie. Cette élection était considérée comme l'une des plus importantes pour la Turquie, l'opposition estimant qu'elle avait de fortes chances de renverser le président sortant, dont la popularité a été mise à mal par la crise du coût de la vie. La victoire a cependant renforcé l'image d'invincibilité de Recep Tayyip Erdogan, qui, en vingt ans de pouvoir, a refaçonné le visage de la Turquie, membre de l'Otan, puissance régionale de 85 millions d'habitants, notamment dans ses relations avec la Russie, le Moyen-Orient et l'Occident. La perspective d'un mandat supplémentaire de cinq ans est un coup dur pour les opposants qui l'accusent de saper la démocratie en s'arrogeant toujours plus de pouvoir, une accusation que Recep Tayyip Erdogan rejette. Kemal Kiliçdaroglu, qui avait promis d'engager le pays sur la voie d'une plus grande démocratie et d'une plus grande collaboration, a déclaré que le vote montrait la volonté du peuple de changer un gouvernement autoritaire. "Tous les moyens de l'État ont été mis à la disposition d'un seul homme", a-t-il dit. TRISTE ET DÉÇUE Les partisans de Recep Tayyip Erdogan rassemblés devant sa résidence à Istanbul ont salué sa réélection. "Je m'attends à ce que tout aille mieux", a déclaré Nisa, 28 ans, qui portait bandeau au nom d'Erdogan. Un autre partisan estimait quant à lui que la Turquie deviendrait plus forte avec Recep Tayyip Erdogan au pouvoir pendant encore cinq ans. "Il y a des questions, des problèmes dans tous les pays du monde, dans les pays européens aussi ? Avec une direction forte, nous surmonterons les problèmes de la Turquie également", a déclaré Mert, 39 ans, venu accompagné de son fils. De son côté, Bugra Oztug, 24 ans, qui a voté pour Kemal Kiliçdaroglu, a déclaré ne pas être surprise du résultat, reprochant à l'opposition de ne pas avoir su changer. "Je suis triste et déçue, mais je ne suis pas désespérée. Je pense toujours qu'il y a des gens qui peuvent voir les réalités et la vérité", a-t-elle commenté. De nombreux chefs d'Etat ont adressé dimanche leurs félicitations à Recep Tayyip Erdogan pour sa réélection à la tête du Turquie, à l'instar du président français Emmanuel Macron qui a mis en avant les "immenses défis" qui attendent leurs deux pays ""La France et la Turquie ont d'immenses défis à relever ensemble. Retour de la paix en Europe, avenir de notre Alliance euro-atlantique, mer Méditerranée", a déclaré Emmanuel Macron sur Twitter. Recep Tayyip Erdogan, qui été longtemps en désaccord avec de nombreux gouvernements du Moyen-Orient avant d'adopter une position plus conciliante ces dernières années, a également reçu des félicitations des présidents iranien, israélien et du roi d'Arabie saoudite. DÉCLIN DES LIBERTÉS Le succès du président turc vient de la croyance de ses partisans "en sa capacité à résoudre les problèmes, même s'il en a créé beaucoup", a commenté Emre Erdogan, professeur de sciences politiques à l'université Bilgi d'Istanbul. Il a également conservé le soutien des électeurs conservateurs qui se sont longtemps sentis marginalisés. "Cette ère sera caractérisée par un déclin des libertés politiques et civiles, une polarisation et des luttes culturelles entre deux tribus politiques", a déclaré Emre Erdogan. L'incertitude quant aux conséquences de cette réélection sur la politique économique a fait reculer la livre turque dimanche à 20,05 pour un dollar, proche d'un plus bas atteint vendredi à 20,06. Recep Tayyip Erdogan dirige la Turquie depuis son accession au poste de Premier ministre en 2003 à la tête de son parti islamo-conservateur AKP (Parti de la justice et du développement). En vingt ans de pouvoir, il a refaçonné le visage de la Turquie, membre de l'Otan, puissance régionale de 85 millions d'habitants, notamment dans ses relations avec la Russie, le Moyen-Orient et l'Occident. Il a pris le contrôle de la plupart des institutions et réprimé l'opposition. Dans son rapport mondial 2022, Human Rights Watch estimait que la Turquie avait reculé de plusieurs décennies en matière de droits de l'homme sous la présidence d'Erdogan. (Avec la contribution de Ali Kucukgocmen, Ezgi Erkoyun, Burcu Karakas, Daren Butler et Jonathan Spicer à Istanbul, Ece Toksabay et Huseyin Hayatsever à Ankara, rédigé par Alexandra Hudson et Tom Perry; version française Camille Raynaud, Jean-Stéphane Brosse et Kate Entringer)
Erdogan réélu président de la Turquie
information fournie par Reuters 28/05/2023 à 23:16

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